À retenir
- Grâce au monitoring, Prefaxis a pu mieux comprendre le comportement du système innovant Uniwall, à la fois pendant le coulage du béton et pendant le processus de durcissement.
- Les câbles de mesure fibre optique fournissent une image très détaillée des déformations et des températures qui se produisent dans le mur.
- Sur la base des résultats de mesure, le processus de conception et d’exécution a pu être optimisé étape par étape.
Le monitoring, moteur du parcours d'innovation
Il n’est pas toujours chose aisée de faire adopter des techniques innovantes aux acteurs du secteur de la construction. Ceux-ci veulent en effet disposer de garanties solides quant au fait que la nouvelle approche ne mettra en péril ni la qualité ni la sécurité. Au cours du développement de l’Uniwall par Prefaxis, le monitoring a apporté une contribution importante à ce sentiment de confiance. Grâce à celui-ci, le fabricant de produits préfabriqués a pu se faire une bonne idée des pressions de coffrage, du retrait empêché et des déformations thermiques agissant au sein de ce système révolutionnaire de parois enterrées.
Dans un contexte urbain, les parois contre terre à la fois étanches et porteuses sont traditionnellement construites par le coulage d’un béton entre d’une part un coffrage de panneaux et d’autre part une paroi en sol stabilisé au moyen d’une des techniques de soutènement disponibles (pieux sécants, parois berlinoises, murs en soilmix, etc). Ce type de processus est particulièrement chronophage, car un dispositif d’étaiement assez lourd doit être mis en place, ainsi que des ancrages dont l’alignement doit être parfait. De plus, le coulage du béton ne constitue pas la phase finale des travaux puisqu’il reste alors encore à décoffrer le les panneaux. « Ces dernières années, le monde de la construction a recherché activement des processus et des techniques plus efficaces », déclare Bert Bekaert, chargé de projet chez Prefaxis et force motrice du développement de l’Uniwall.
« Avec nos murs préfabriqués en terre cuite et nos prémurs en béton, nous fournissons déjà des produits qui répondent parfaitement à cette tendance. Néanmoins, nous continuons à rechercher des innovations qui font une réelle différence pour les acteurs de la construction. C’est pourquoi nous nous sommes concentrés il y a quelques années sur le développement d’un système de murs en sous-sol qui élimine les inconvénients de l’approche traditionnelle. Avec succès, puisqu’en 2019 nous avons pu présenter l’Uniwall. »
L’efficacité grâce au gain de temps
Le système Uniwall utilise en fait des panneaux préfabriqués en béton en lieu et place des panneaux de coffrage traditionnels. « Les panneaux sont disposés devant le mur de soutènement et ancrés dans le radier à l’aide d’étais tirant-poussant spécialement dimensionnés », explique Bert Bekaert. « Une fois que le béton de remplissage a été coulé entre la paroi de soutènement et les panneaux préfabriqués, l’ensemble forme une paroi étanche qui présente également une apparence avantageuse. En effet, les éléments préfabriqués en béton sont parfaitement adaptés en tant que murs de finition pour le sous-sol ; d’autant qu’il suffit d’enlever les étais après le durcissement du béton de remplissage pour obtenir une surface parfaitement finie. Selon nos estimations, l’utilisation de la technique Uniwall peut entraîner un gain de temps de 30 à 40 % par rapport à une méthode traditionnelle. De plus, la pratique montre que cette solution offre une valeur ajoutée dans les petits comme dans les grands projets. »
Un scénario traditionnel comme point de départ
Le processus de développement s’est logiquement accompagné de nombreux calculs de stabilité. « L’enveloppe préfabriquée doit bien sûr être capable de reprendre les pressions horizontales générées par le béton frais durant sa mise en oeuvre comme du béton de remplissage », explique Bert Bekaert. « Cependant, des simulations ont montré que la pression du béton frais était trop élevée si nous coulions ce béton en une seule phase sur toute la hauteur de l’Uniwall – dont l’épaisseur de paroi se limite à 7 centimètres. C’est pourquoi nous sommes partis du scénario traditionnellement adopté pour les murs creux, où le béton est coulé par passes d’un mètre par heure. »
Des réponses grâce au monitoring
La question s’est posée Prefaxis de connaître l’état de viscosité du béton au fur et à mesure de sa mise en place : si la couche inférieure était toujours à l’état liquide après trois heures, les diagrammes de pression réduite ne pouvaient être appliqués. « Nous avons présenté ce problème au Prof. Peter Minne de la KU Leuven – Campus Rabot à Gand, qui a eu l’idée du monitoring et nous a renvoyés vers le CSTC », déclare Bert Bekaert. « Une voie que nous avons effectivement suivie à l’occasion d’un projet particulier. En effet, l’entreprise de construction C. Deblaere voulait appliquer l’Uniwall sur des murs en sous-sol de 4,2 mètres de haut sur l’un de ses chantiers à Knokke. Selon nos calculs de stabilité, cela était parfaitement possible. Pourtant, nous n’avions jamais franchi le cap des 2,8 mètres. C’est pourquoi il nous a semblé plus prudent de monitorer la construction. »
Mesurer la pression du béton
Après une étude approfondie de ce cas spécifique, le CSTC a décidé d’effectuer des mesures de pression sur site lors du coulage du béton. « Nous avons percé quelques petits trous dans l’enveloppe préfabriquée et y avons installé des capteurs qui ont enregistré la pression générée par le béton de remplissage sur l’enveloppe préfabriquée », explique Petra Van Itterbeeck, chef de projet principal au CSTC. « En plaçant de tels capteurs de pression sur deux lignes et à trois hauteurs sur chacune d’elles, nous avons obtenu une bonne image des pressions réellement développées par le béton frais pendant le processus de sa mise en oeuvre. »
Du monitoring à l’optimisation constructive
Les résultats obtenus se sont en réalité révélés meilleurs que ce que Prefaxis avait espéré. Au bas du mur, dans la première couche de coulage d’environ un mètre de haut, les pressions du béton frais semblaient décroître assez rapidement. Sur base de ces informations, Prefaxis s’est attelé à l’optimisation de l’armature de l’enveloppe préfabriquée. Bert Bekaert : « Le monitoring nous a également permis de mieux comprendre la relation entre la composition du béton et les pressions développées par le béton frais. Pour que ces dernières diminuent assez rapidement, il faut les prendre en compte lors de la préparation du mélange de béton. Les connaissances acquises nous permettent maintenant d’accompagner de manière optimale les entrepreneurs : d’une part en fournissant des enveloppes préfabriquées parfaitement adaptées à l’application qu’ils souhaitent en faire ;. d’autre part en les informant sur la composition optimale du béton à mettre en oeuvre. La campagne de monitoring a également permis de garantir que nous pouvons désormais appliquer notre solution en toute sécurité à des hauteurs plus élevées. Aujourd’hui, nous avons même des chantiers où l’Uniwall est utilisé pour des murs en sous-sol de 5,20 m de haut. Convaincus par la valeur ajoutée du monitoring, nous avons demandé au CSTC de mener une seconde campagne – dans le cadre d’un mémoire de master – sur le chantier de C. Deblaere à Knokke. L’objectif en est d’identifier et quantifier les phénomènes de retrait empêché et de déformations thermiques afin de définir des longueurs de passes de bétonnage maximales admissibles. »
Éviter la fissuration
La fissuration à la suite du retrait empêché et des déformations thermiques est un phénomène de détérioration bien connu dans les murs en sous-sol. Petra Van Itterbeeck : « Le sol du sous-sol cause une restreinte à la base de l’élément à couler. Des segments de mur adjacents, qui ont déjà été coulés, peuvent en outre empêcher la libre déformation de l’élément à couler. En outre, en raison de la réaction d’hydratation du ciment, une certaine chaleur s’accumule dans le béton pendant la phase de durcissement. Une fois le pic d’hydratation atteint et le béton déjà partiellement durci, le mur aura tendance à se contracter sous l’effet de son refroidissement.
Il est vrai que plusieurs sources de restreintes s’opposent à cette libre déformation du mur, de sorte que des contraintes de traction se développent dans le béton. Dans les premiers jours/semaines, cela peut entraîner des fissures verticales dans toute l’épaisseur du mur. Évidemment, celles-ci peuvent être très préjudiciables à l’étanchéité des parois enterrées. Le risque d’une telle fissuration peut être minimisé en optimisant l’exécution – y compris en limitant les longueurs des sections à couler – et le renforcement des murs en béton au moyen d’une armature appropriée. »
Thèse étudiée grâce au monitoring
Prefaxis souhaitait s’appuyer sur la pratique pour obtenir une image claire de la taille maximale d’une phase de coulage. « Les bureaux d’études se basent actuellement sur l’Eurocode », explique Bert Bekaert. « Ils imposent une armature identique à celle des murs en sous-sol à coffrage double traditionnels, donc généralement importante en pied de mur. J’avais toutefois le sentiment que le phénomène se produisait dans tout le mur en soussol, du moins dans les chantiers où l’Uniwall était appliqué contre une structure de soutènement. Cela signifierait qu’une armature complète sur toute la hauteur serait beaucoup plus efficace que la version partielle qui est actuellement la norme. » Petra Van Itterbeeck poursuit : « Le monitoring constituait le moyen le plus logique de le savoir. Nous avons décidé d’installer des extensomètres sur fibre optique, attachés aux barres d’armature avant de couler le béton. Grâce à la technologie de « détection distribuée » (distributed sensing), nous avons obtenu des centaines de points de mesure sur toute la longueur du mur à l’aide d’un seul câble de mesure. »
Des résultats intéressants
En plaçant le câble de mesure par fibre optique à quatre hauteurs différentes (et ceci à l’avant et à l’arrière du béton de remplissage), il a été possible de déterminer les mouvements au sein de l’Uniwall. « Les minuscules câbles mesurent à la fois la température et la déformation du béton de remplissage coulé sur place », explique Petra Van Itterbeeck. « Ici non plus, les résultats n’ont pas démenti nos attentes. Nous avons clairement vu que les déformations différentielles se produisaient principalement dans les premières heures de durcissement du béton. Les tensions internes s’accumulent donc lors de cette phase. De plus, il est apparu que celles-ci se manifestaient sur toute la hauteur du mur et pas seulement dans la partie inférieure. » Bert Bekaert : « Grâce à ces informations, nous savions qu’une armature partiellement distribuée ne suffirait pas à combattre la fissuration causée par le retrait empêché et les déformations thermiques. En d’autres termes, nous avons prouvé que l’approche traditionnelle est insuffisante à ce niveau. »
Une composition de béton fibré passée au crible
Les résultats ont mené Prefaxis sur une autre piste de réflexion. « Nous avons demandé conseil à Adfil, qui produit des fibres polymères pour l’armature du béton », explique Bert Bekaert. « Ils ont pu nous montrer que leurs fibres pouvaient contribuer à la résistance à la traction du béton, même après quelques heures seulement. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une armature supplémentaire au sein même du béton de remplissage à l’aide de fibres polymères, comme alternative aux treillis d’armature traditionnels, laborieux en termes de mise en oeuvre. Nous nous sommes associés à Interbeton pour développer un mélange de béton fibré optimal pour notre Uniwall. Cela a donné de bons résultats lors d’une nouvelle campagne de monitoring sur un chantier de l’entreprise de bâtiment Bouillon à Knokke. Grâce au monitoring, nous pouvons donc maintenant définir un phasage optimal. Nous pouvons également conseiller l’entrepreneur et le bureau d’études lors de la commande du béton de remplissage afin de limiter les pressions du béton frais, de réduire/éviter la fissuration due aux déformations empêchées et d’optimiser l’étanchéité de la paroi enterrée. »
Un parcours d’innovation continu
Impressionné par les possibilités du monitoring, Prefaxis a initié à l’été 2021 une nouvelle étude. « Nous avons l’ambition de développer un modèle aux éléments finis pour déterminer l’impact de certains paramètres sur le phasage », explique Bert Bekaert. « La raison est évidente. Maintenant que nous avons montré que l’approche actuelle est insuffisante pour éviter la fissuration due au retrait empêché et à la déformation thermique, nous devons proposer une alternative qui réponde aux découvertes faites sur le terrain. De cette façon, nous voulons être en mesure de conseiller encore mieux nos clients sur leurs projets de construction. »
De plus amples informations concernant le monitoring sur base de la technique de la fibre optique peuvent être trouvées sur www.ovmonitoring.be