À retenir
- Les entreprises qui se lancent dans un processus d’innovation avec de nouveaux produits, services ou technologies ont généralement intérêt à les expérimenter d’abord sur leur propre terrain. Cette approche leur confère toute liberté pour développer ces nouveaux produits, services ou technologies pas à pas, sans pression ou obligations commerciales.
- De plus en plus, la gestion énergétique s’articule autour de plusieurs bâtiments. Échanger de l’énergie au-delà des limites des bâtiments et terrains d’activités économiques permet de trouver le meilleur équilibre possible entre production, consommation et stockage d’énergie durable.
- À première vue, la mobilité n’a pas grand-chose à voir avec les activités quotidiennes d’une entreprise de construction, mais c’est un aspect auquel il faut accorder de l’attention. La mobilité exerce en effet une énorme influence sur les bâtiments et leur gestion énergétique.
Des innovations testées sur site et en dehors
Le paysage énergétique est au coeur d’une transition gigantesque. Dans la ville du futur, les ‘smart grids’ jouent un rôle de premier plan. L’énergie renouvelable sera produite au départ d’un grand nombre de sources et sera échangée de manière flexible entre les utilisateurs. Les éventuels excédents de production seront stockés au maximum. Afin d’accompagner au mieux les clients dans cette transition, Cordeel Group examine actuellement plusieurs solutions innovantes sur son propre site, et même au-delà.
Cordeel Group est une entreprise dont l’histoire est impressionnante. Fondée en 1934 comme une simple menuiserie, l’entreprise (encore 100%) familiale est devenue un acteur européen solide avec plus de 1600 employés actifs sur de très nombreux fronts du secteur de la construction. «La direction croit fermement à l’intégration verticale », déclare Christof De Knop, directeur général d’Imtech Energy (qui fait partie du groupe). « En proposant le plus grand nombre possible d’activités du processus de construction par le biais de Cordeel, nous pouvons mieux gérer la qualité et agir avec davantage de flexibilité et de rapidité. Le fait que nous continuons d’étoffer notre offre en matière d’approvisionnement énergétique d’immeubles, de sites et de quartiers s’inscrit parfaitement dans cette philosophie.
La mise en place de tout un écosystème de filiales nous permet de réaliser nous-même la mission de construire un avenir passionnant sans CO2. La transition du paysage énergétique nous offre d’énormes possibilités. En proposant ‘energy as a service’ de C-energy, nous déchargeons complètement nos clients de tout tracas concernant leurs besoins énergétiques. Nous aspirons à être un guichet unique pour le client. Ils peuvent compter sur nous pour leur production d’énergie, mais aussi pour la surveillance, le stockage et l’optimisation de l’énergie, et même pour vendre son énergie. Mais nous voulons aller plus loin : notre ambition est d’évoluer vers le ‘comfort as a service’. »
Cinq activités
Fort de cette vision des choses, le groupe continue d’investir dans l’avenir. Aujourd’hui, Cordeel repose sur un organigramme à cinq piliers. Le premier pilier s’appelle C-construct et regroupe les activités historiques de construction et de finitions intérieures. Il inclut notamment une centrale à béton, une menuiserie et un département acier. C-tech, le deuxième pilier, met quant à lui l’accent sur le service et la technologie au travers de multiples acteurs. L’acteur principal est Imtech, une entité qui conçoit, construit et entretient des installations pour bâtiments. Il y a aussi C-bimco, le spécialiste BIM, et bien d’autres. Un troisième pilier s’unit sous la bannière C-energy, avec comme fil rouge la volonté de répondre aux multiples évolutions qui traversent le paysage énergétique, en exploitant le concept de ‘energy as a service’, par exemple. Restent, enfin, C-living, qui rassemble les activités immobilières et de transport, et C-line, qui commercialise entre autres des équipements et du matériel de lutte contre l’incendie. »
Utilisation du site comme centre de recherche
Ce n’est que récemment que Cordeel a rendu public cet organigramme. Bien entendu, ce sont surtout C-tech et C-energy qui initient une révolution dans le secteur. Bien que les entreprises de ces deux piliers soient déjà actives sur le plan commercial, elles continuent d’investir énormément dans la recherche et le développement (souvent en collaboration avec des partenaires et centres d’expertise externes). Leur terrain de jeu privilégié est le site du groupe situé à Tamise, le long de l’Escaut. C’est là que Cordeel a construit en 2019 son siège, un bâtiment impressionnant, qui constitue un parfait exemple de ‘smart building’ peu énergivore et capable d’affronter les défis du futur.
« Selon la vision de Cordeel, la création d’un bâtiment orienté vers le futur doit reposer sur trois grands axes », expose Christof De Knop. « Primo, nous voulons comprendre le fonctionnement de l’immeuble et le comportement de ses utilisateurs. Secundo, nous recherchons l’équilibre parfait entre production, consommation et stockage de l’énergie. Enfin, nous ambitionnons de proposer des solutions pour la mobilité de demain. Les travaux de recherche que nous effectuons quotidiennement sur notre site s’inspirent pour la plupart de ces trois axes, qui ont par ailleurs été au coeur de la conception du nouveau siège. »
Création d'un 'Building Operating System'
Le bâtiment est équipé d’un grand nombre de capteurs capables de mesurer à peu près tout : consommation d’eau et d’énergie, occupation des locaux, taux de CO2 dans l’air, … L’installation de base en matière de chauffage et de refroidissement se compose de pompes à chaleur reliées à un champ BTES (stockage géothermique par puits de forage). Là où Cordeel a innové, c’est dans la façon dont ces installations s’harmonisent avec une quantité d’autres techniques. Im-Power, un BOS (building operating system) qui a été développé sur le site même de Cordeel, a joué un rôle majeur à cet égard. « L’idée était de créer une solution permettant de centraliser les données de toutes les installations sous-jacentes afin d’optimiser le pilotage des installations. Parallèlement à cela, ces données peuvent également être utilisées pour de nouvelles applications », explique Christof De Knop. « L’une des fonctionnalités majeures d’ImPower a trait à sa capacité à assurer la liaison entre les installations techniques et un système de gestion de l’énergie. Ce type de système constitue en effet un élément essentiel d’une stratégie de production, stockage et consommation d’énergie qui se veut la plus efficace possible. En outre, cette gestion de l’énergie ne s’effectue pas au niveau d’un immeuble individuel, mais du site dans son ensemble. Notre site intelligent comprend pas moins de six bâtiments – dont le nouveau siège – et une station de recharge pour voitures électriques. »
Les avantages de la mise en réseau
Le fait que l’énergie ne soit pas gérée pour un bâtiment individuel, mais pour l’ensemble du site, porte manifestement ses fruits. « Grâce à une gestion intelligente, nous avons économisé 14,6 % sur nos coûts énergétiques totaux l’année dernière », déclare Christof De Knop. « Notre système de gestion de l’énergie nous aide à trouver l’équilibre parfait entre la production, la consommation et le stockage de l’énergie. La flexibilité énergétique sur le site constitue la clé de ce succès. Elle nous permet de consommer nous-mêmes et autant que possible l’énergie produite localement et d’être actifs sur le marché ‘Day-Ahead’ de l’électricité et à long terme sur le marché du FCR, ce qui signifie ‘Frequency Containment Reserves’ ou réserves de stabilisation de la fréquence. La flexibilité est rendue possible, entre autres, par l’utilisation de la masse thermique de notre siège. Nous attendons également l’arrivée d’une batterie électrique d’immeuble développée par C-battery, que nous pourrons charger et décharger intelligemment. Il convient encore de souligner le rôle joué par le smart EV charging (le chargement intelligent des voitures électriques) dans les économies réalisées. Le potentiel d’économies ne fera d’ailleurs que croître à mesure que le réseau d’énergie s’étoffera de nouveaux équipements réglables. »
Un parc de voitures utilisé comme batterie
Une part considérable du potentiel d’économies encore exploitable réside dans le développement du marché de la voiture électrique. « Plus il y aura de voitures électriques, plus les stations de recharge seront grandes », souligne Christof De Knop. « Une telle évolution s’accompagnera d’une plus grande flexibilité du côté de la consommation d’énergie. En outre, une fois que le principe du véhicule-réseau (vehicle-to-grid) se sera davantage popularisé, il sera possible non seulement de charger les voitures sur le site, mais également de faire en sorte que le parc automobile fournisse de l’énergie au réseau.
Le parc de voitures pourra ainsi jouer le rôle de batterie pour le réseau, et participera donc à sa flexibilité. Les constructeurs automobiles restent pour beaucoup réticents à cette évolution, mais celle-ci recèle un potentiel énorme. Bien que des applications de ce genre paraissent de prime abord très éloignées des activités de Cordeel, elles sont très vite devenues un marché pour notre entreprise tant elles ont une grande influence sur les bâtiments et leur gestion énergétique. Participer à des projets de recherche tels que le projet flamand OPTIBIDS, qui vise à optimiser le chargement bidirectionnel et intelligent de véhicules dans des systèmes énergétiques locaux, nous aide à développer l’expertise nécessaire. »
Exploiter l'énergie des marées
Sur son site de Tamise, Cordeel s’emploie à exploiter d’autres sources d’énergie et à augmenter sa flexibilité. Le groupe assume même un rôle de pionnier en la matière. Des sources de production innovantes sont testées et l’on examine comment elles peuvent être utilisées le plus efficacement possible en fonction des besoins. Dans le cadre du projet de développement ‘Hydro Energy Power Station’, le groupe travaille notamment sur une installation capable de puiser de l’énergie dans le cycle des marées de l’Escaut. « Nous installerons une turbine aux portes de l’écluse qui séparent le fleuve du dock enclavé à l’intérieur de notre site », explique Christof De Knop. « Laisser couler l’eau de haut en bas par marée haute et marée basse permet de libérer une quantité d’énergie qui nous sera utile. Bien entendu, un tel projet ne représente que peu de chose en comparaison de ce que font des pays comme la Norvège, qui produisent la majeure partie de leur électricité au départ de l’énergie hydraulique, mais nous pourrons tout de même produire par ce biais 570 MWh d’énergie sur base annuelle, ce qui correspond à la consommation d’environ 160 ménages. Le cycle des marées étant de surcroît un phénomène très prévisible, nous pourrons bien estimer à l’avance de quelle quantité d’énergie nous pourrons disposer à quels moments. D’après nos calculs, nous pourrons utiliser nous-mêmes 80 % de cette énergie, sans système de pilotage intelligent. Mais bien entendu, nous misons sur nos expériences en matière de systèmes de pilotage intelligents pour encore améliorer ce pourcentage. »
Une colline énergétique utilisée comme batterie
Les experts de Cordeel impliqués dans le projet de développement ‘Hydro Energy Power Station’ expérimentent une autre idée innovante : l’aménagement d’une colline dite énergétique. L’idée diffère, mais l’objectif reste le même : produire de l’énergie avec de l’eau qui coule de haut en bas. La colline énergétique fait toutefois office non pas de générateur d’énergie renouvelable, mais plutôt de batterie. « L’idée est de créer une colline avec, au sommet, un grand étang », explique Christof De Knop. « Cet étang sera relié à un réservoir d’eau de 3 000 m³ situé au bas de cette colline. Si nous disposons sur le site d’un excédent d’énergie renouvelable ou si nous pouvons acheter de l’énergie à des prix très bas – voire négatifs –, nous pomperons l’eau du réservoir et l’acheminerons vers l’étang situé au sommet de la colline. Si, en revanche, nous avons besoin d’électricité sur le site, nous effectuerons le mouvement en sens inverse et ramènerons l’eau vers le réservoir. Ce processus nous permettra de générer de l’énergie. Bref, la colline énergétique est un moyen de stocker de l’énergie en vue d’une utilisation future. »
Encore des études!
Une autre étude pourrait révéler des enseignements intéressants : l’étude comparative entre douze panneaux PV disposés sur le toit du bâtiment de la section acier et douze exemplaires identiques flottant dans le dock enclavé à l’intérieur du site. « Avec cette étude, nous voulons étayer notre théorie selon laquelle l’effet de refroidissement de l’eau entraîne un meilleur rendement des panneaux photovoltaïques », déclare Christof De Knop. « À terme, nous voulons encore installer un électrolyseur côté consommation afin de produire de l’hydrogène. Nous attendons de toutes ces initiatives qu’elles nous aident à optimiser la gestion énergétique du site et qu’elles contribuent à la réalisation de notre objectif : aligner efficacement la production avec la consommation grâce à la flexibilité, un maximum d’autoconsommation et une réduction des pics de consommation qui nous obligent à acheter de l’énergie.»
L'échange d'énergie avec des utilisateurs externes
Pour optimiser la gestion de l’énergie, Cordeel regarde même au-delà du périmètre de son propre site. « C’est logique : après tout, nous voulons nous préparer à la ville du futur », explique Christof De Knop. Actuellement, nous travaillons sur une ‘energy community’ qui comprend, outre notre propre site, également un complexe d’appartements voisin. L’objectif est que tous les membres de cette communauté puissent échanger de l’énergie entre eux, voire au-delà des limites des immeubles et terrains d’activités économiques. Cela reste pour l’heure un exercice virtuel, non pas parce que c’est techniquement impossible, mais surtout parce que le cadre juridique et tarifaire n’est pas encore au point. »
L'avenir sera 'SMART'
Toute l’expérience que développe Cordeel sur son propre site se traduit par des produits et services qui viennent étoffer son offre. « Actuellement, nous nous affairons à commercialiser la formule ‘energy as a service’ », explique Christof De Knop. « On constate qu’il y a un certain intérêt pour ce concept. Notre objectif ultime est de proposer la gamme ‘comfort as a service’ dans son intégralité, avec des clients qui nous paieraient pour un espace que nous aménagerions – techniques comprises –, mais également climatiserions et entretiendrions. Le client paierait ainsi pour un certain niveau de confort que nous lui apporterions, en veillant à optimiser la durabilité et l’efficacité. Le financement et notre modèle de rentabilité seront basés en grande partie sur l’efficacité énergétique, avec trois mots clés : production, stockage et consommation. Comme nous l’illustrons à travers l’exemple de notre siège social, il y a encore beaucoup de place pour des économies. Le bâtiment et le site dans son ensemble constituent une vitrine en matière d’innovation. L’objectif est que toutes les études que nous réalisons débouchent sur des projets concrets où nous exploiterons l’expertise que nous avons acquise. À l’avenir, il s’agira de gérer intelligemment l’énergie, et donc également les données. C’est pourquoi les entreprises de construction doivent d’ores et déjà se qualifier dans ce domaine en expérimentant et innovant par elles-mêmes. Cordeel Group est prêt, en tout cas, pour un avenir où l’intelligence sera indissociablement liée aux bâtiments et à leur environnement. »