À retenir
- TUC Rail et Infrabel explorent les possibilités de la surveillance de l’état des structures pour la maintenance prédictive de l’infrastructure ferroviaire.
- Un test sur le pont Vierendeel à Malines a démarré. En raison de la complexité, Zensor a été sollicité à cette fin.
- Le monitoring donne des informations utiles sur l’état et le comportement du pont. Cela permettra d’optimiser la rénovation, l’entretien et la durée de vie.
Des données intéressantes grâce au monitoring des structures
La surveillance de l’état des structures appelé plus communément le ‘monitoring des structures’ ou Structural Health Monitoring (SHM) est en plein essor dans le monde entier. TUC Rail et Infrabel ont également pris le train en marche avec un projet pilote qui concerne le pont métallique de Vierendeel à Malines. Il s’agit d’une étape importante d’un processus d’innovation qui devrait conduire à l’optimisation de la maintenance de tous les ponts et tunnels ferroviaires. L’ambition ultime est double : réduire drastiquement les coûts de réparation et les désagréments pour les voyageurs lors des travaux d’entretien, et prolonger considérablement la durée de vie des infrastructures.
Avec une portée de 89,54 mètres et son esthétique remarquable, le pont Vierendeel définit le paysage de la Leuvensesteenweg à Malines depuis près de nonante ans. Ce pont a été construit à la suite de l’électrification de la ligne ferroviaire Anvers-Bruxelles et a été mis en service en 1935. Aujourd’hui, c’est toujours un carrefour extrêmement important sur le réseau ferroviaire belge. Des lignes de chemin de fer très fréquentées passent au-dessus et en-dessous du pont. Sa structure approche du terme de sa durée de vie de cent ans. Le pont Vierendeel fait donc l’objet d’une attention particulière de la part de TUC Rail et d’Infrabel, d’autant plus qu’il est classé « Monument Protégé » depuis 1996.
Karlien Berten, Lead Design Engineer Structures chez TUC Rail, a d’ailleurs déclaré « Nous ne pouvons donc pas simplement le remplacer par un nouveau pont. C’est pourquoi nous prévoyons une rénovation en profondeur d’ici quelques années. »
Rénovation avec un minimum de perturbations
Lors de la rénovation, le pont sera surélevé d’environ 60 centimètres afin que les caténaires des voies ferrées sous-jacentes ne soient plus intégrées au pont, mais suspendues en dessous. Cela simplifiera considérablement la maintenance et réduira l’impact sur le trafic ferroviaire. Le pont sera également repeint. « Nous espérons éviter des rénovations structurelles majeures en appliquant le monitoring des structures », explique Karlien Berten. « Compte tenu de l’âge avancé du pont, il y a de fortes chances que des défauts surviennent dans les années à venir. Leur réparation serait encore plus lourde s’ils n’étaient pas repérés à temps. Actuellement, ces ponts subissent des inspections mineures en moyenne tous les quatre ans et des inspections majeures tous les huit ans. Il est évident que cela ne permet pas de détecter les petits défauts de manière précoce. Plus ceux-ci sont remarqués tardivement, plus il devient difficile – et donc coûteux – de les réparer et plus les perturbations pour le trafic ferroviaire et les passagers sont importantes. »
Vers un entretien prédictif
L’abandon des intervalles fixes pour l’entretien et les inspections de l’infrastructure est une piste envisagée de longue date chez TUC Rail et Infrabel. « Le monitoring des structures ouvre la voie vers un entretien prédictif », précise Karlien Berten. « Mieux vaut prévenir que guérir. À l’aide de capteurs, nous pouvons surveiller en temps réel l’état des ponts et des tunnels ferroviaires. De cette façon, les problèmes sont détectés et résolus à temps avant qu’ils ne puissent vraiment se développer. Il est même possible d’aller plus loin et de prédire les défauts avant qu’ils ne surviennent.
En conséquence, le nombre d’interventions augmentera peut-être, mais les actions requises seront plus courtes et coûteront beaucoup moins cher. En outre, une telle approche nous permettrait de standardiser notre maintenance. Aujourd’hui, la rapidité et le mode d’intervention varient encore trop fortement d’une région à l’autre et même par individu. »
Large spectre de données
Grâce au monitoring des structures, TUC Rail et Infrabel espèrent également prolonger la durée de vie de l’infrastructure ferroviaire. « D’une part parce que nous pouvons réagir plus rapidement aux défauts, d’autre part parce que nous connaîtrons l’état réel des ponts et tunnels », explique Karlien Berten. « C’est une donnée très importante car une grande partie de l’infrastructure existante devra théoriquement être remplacée d’ici dix à vingt ans. D’un point de vue social et économique, ces investissements ne peuvent être justifiés si les tunnels et les ponts sont encore en bon état. Enfin, nous avons un aperçu de ce qu’ils peuvent vraiment supporter à l’heure actuelle. Il y a nonante ans, personne n’aurait pu prédire l’intensité du trafic ferroviaire et le poids du matériel roulant. Le monitoring nous permet désormais aussi de déterminer dans quelle mesure l’infrastructure de l’époque est compatible avec la situation actuelle. Il se pourrait que nous devions dévier certains itinéraires ou éviter que des trains de marchandises ne circulent, car ils sont trop lourds. Cependant, il est également possible que nous découvrions que l’infrastructure a une plus grande capacité qu’on ne le supposait auparavant. Bref, le monitoring des structures peut nous fournir de nombreuses nouvelles données. »
Un travail de spécialistes
la méthodologie de monitoring des structures ou Structural Health Monitoring sur le pont Vierendeel sur la Leuvensesteenweg à Malines. « Malheureusement, c’est complètement nouveau pour nous. Nous avons donc rapidement été confrontés à de nombreuses questions », déclare Karlien Berten. « Où devons-nous placer les capteurs ? Quels types génèrent les informations que nous recherchons ? Quelle fréquence de mesure devons-nous utiliser ? De plus, le traitement des données est une matière complexe qui nécessite des algorithmes et de l’intelligence artificielle. Même l’interprétation de base des énormes flux d’informations nécessite des connaissances spécifiques et, surtout, une automatisation. C’est pourquoi nous avons décidé de faire appel à Zensor, spécialiste du contrôle d’infrastructures complexes et d’installations industrielles depuis de nombreuses années. Ensemble, nous avons développé un concept avec des capteurs filaires qui peuvent être reliés au réseau Infrabel. »
Analyses automatiques
Zensor a commencé à installer les capteurs en mai 2021. Il a fallu procéder par étapes en fonction de la « disponibilité » du pont (c’est-à-dire lorsqu’il n’y avait pas de trafic ferroviaire). Yves Van Ingelgem, CEO de Zensor : « Le but est d’obtenir un large éventail d’informations avec un nombre limité de capteurs. Ces données constituent le point de départ d’analyses approfondies que TUC Rail peut utiliser. Dans ce cas précis, le flux continu de changements est particulièrement intéressant. À court terme, on parle de l’effet du type de train et de l’intensité du transport sur l’infrastructure. À long terme, on peut penser à l’effet de la température qui fait rétrécir ou dilater le pont. Nos algorithmes peuvent lier les variations des mesures à des phénomènes sousjacents, surtout une fois que nous avons accumulé une certaine quantité de données antérieures. TUC Rail pourra également effectuer une analyse comparative pour déterminer pourquoi un certain pont vieillit plus rapidement qu’un autre du même type, par exemple. Bien que ces analyses soient presque entièrement automatisées sur la plateforme Zensor, les résultats doivent encore être vérifiés et interprétés. C’est pourquoi nous veillons à ce que TUC Rail ait facilement accès à ces informations. Les ingénieurs peuvent suivre sur un tableau de bord les principaux résultats de mesure en temps réel. Grâce à un suivi automatisé et à un système d’alarme intégré, le service technique reçoit également une notification lorsque des défauts ou des déviations sont enregistrés sur la base de l’analyse continue. »
Large gamme de mesures
Zensor utilise ce projet comme cas de validation, principalement pour tester différents types de capteurs et différentes techniques pour certaines mesures. « C’est pourquoi nous prévoyons plus d’unités que ce que TUC Rail et Infrabel avaient prévu », explique Yves Van Ingelgem. « Une première catégorie concerne les capteurs de déplacement que nous avons installés à l’extrémité de la structure, à hauteur des appareils d’appui. D’une part, ils enregistrent le mouvement horizontal – la mesure dans laquelle le pont se dilate/se contracte – en fonction de la température. D’autre part, le mouvement vertical est mesuré également : dans quelle mesure la structure en acier s’affaisse-t-elle lorsqu’un train la traverse ? Cela permet de définir le poids des trains, mais donne aussi une idée de l’état et du bon fonctionnement des appareils d’appui. De plus, nous avons installé des jauges de contrainte électriques sur les montants des maillages rectangulaires du pont qui mesurent l’allongement de ces éléments. Les capteurs d’inclinaison enregistrent à leur tour la flèche du tablier du pont. »
Contrôle sous plusieurs angles
Outre les capteurs déjà cités, des accéléromètres mesurent les vibrations du pont dans trois directions principales. « Le but est de surveiller l’intégrité structurelle du pont », déclare Karlien Berten. « Nous voulons également vérifier la présence de vibrations qui perdurent, car cela pourrait indiquer un changement dans la structure. Les vibrations sur les deux poutres principales et les plus petites poutres longitudinales sont également mesurées. Nous voulons surtout savoir combien de vibrations produites par les trains se répercutent réellement sur la structure principale. De cette façon, nous pouvons obtenir une bonne interprétation de l’état du tablier du pont et de la façon dont il est attaché à la structure principale. Cela nous permettra également de détecter rapidement les dommages et les fissures en stade précoce. Enfin, la température et le taux d’humidité sont mesurés à divers endroits. L’ objectif est d’identifier les effets des conditions météorologiques sur la structure afin que nous puissions distinguer les effets des conditions météorologiques de ceux liés à la charge des trains. »
Les attentes sont satisfaites
Tous les capteurs sont reliés par des câbles à un boîtier situé au pied du pont. Les données sont transmises en continu à la plateforme Zensor via le réseau 4G. « Bien que nous ne collections des données que depuis fin mai 2021, nous pouvons déjà tirer quelques conclusions », déclare Karlien Berten. « La plus importante est que le pont ne se comporte pas différemment de ce que nous pensions. Nous n’avons pas été en mesure de détecter d’anomalies pour le moment. Cela implique que la rénovation prévue n’apportera normalement aucune surprise. En revanche, nous avons découvert que les trains deviennent plus lourds durant la période estivale, ce qui est un fait étrange. C’est pourquoi nous enquêtons à présent sur la raison sous-jacente. » Yves Van Ingelgem : « Plus nous effectuons de mesures, plus les données deviennent intéressantes, car nous pouvons établir davantage de corrélations. Normalement, ce test durera deux ans, ce qui devrait suffire à donner à TUC Rail et Infrabel une image adéquate des points à contrôler en priorité et à quelle fréquence. Ce dernier point est important pour, à terme, pouvoir passer à des capteurs sans fil. La durée de vie des batteries sera en effet beaucoup plus longue si les mesures sont prises environ une fois par semaine au lieu de toutes les cinq minutes. Bref, ce test explore le monde de la surveillance de l’intégrité structurelle d’une manière très large. »
De plus amples informations concernant le monitoring sur base de la technique de la fibre optique peuvent être trouvées sur www.ovmonitoring.be