À retenir
- Utilisez efficacement les capteurs et les données qu’ils génèrent. Veillez à ce que chaque point de données ait une cible et à ce que les données captées soient pleinement exploitées.
- Opter pour des seuils statiques très simples pour le déclenchement de vos alarmes débouchera souvent sur un nombre considérable de fausses alertes et pourrait avoir une influence négative sur le suivi général de vos alarmes.
- L’utilisation de l’IA dans le cadre de la gestion de bâtiment n’est peut-être encore qu’au stade des premiers balbutiements, mais le potentiel est bel et bien présent !
La détection des anomalies pour l'industrie intéressante pour les bâtiments également
Les solutions intelligentes recèlent souvent davantage de potentiel que les applications pour lesquelles elles ont été conçues à la base. Yazzoom et Laborelec ont par exemple créé un système capable de réduire drastiquement le nombre de fausses alertes dans les sous-stations de Fluvius. Le principe de base ? La détection des anomalies au moyen de l’intelligence artificielle. Développé à l’origine pour des environnements industriels, ce système recèle également un gros potentiel pour les bâtiments, comme le révèle le cas concret développé ci-dessous, qui illustre à quel point il peut être enrichissant de « regarder par-dessus le mur » et de s’ouvrir aux pratiques d’autres secteurs…
L’électricité est transportée sur de longues distances via le réseau à haute tension pour être ensuite distribuée localement par les gestionnaires de réseaux de distribution. Le courant doit pour ce faire être mis en moyenne tension, une opération effectuée dans ce qu’on appelle des sous-stations. Il y en a plus de deux cents en Flandre, toutes gérées par Fluvius. « Ce sont de petits bâtiments répartis sur tout le territoire », explique Thomas Appelmans, Digital Product Manager chez ENGIE Laborelec (qui fait à la fois office de centre de recherche et de prestataire technique dans le secteur de l’électricité). « Ces sous-stations se composent généralement d’une cave, par laquelle entrent les câbles à haute tension et d’un rez-de-chaussée où l’électricité est portée à moyenne tension. »
Des systèmes sensibles
Le dispositif chargé de convertir la haute tension en moyenne tension se révèle particulièrement sensible à la température et à l’humidité. « Fluvius met tout en oeuvre pour éviter les pannes et les perturbations, et ainsi garantir l’approvisionnement en électricité tout en évitant les situations dangereuses », assure Thomas Appelmans. « Sans compter qu’il y a bien entendu un enjeu économique dès lors que les interventions débouchent souvent sur une addition salée. Et je ne vous parle même pas de l’effet négatif que des problèmes pourraient générer en termes de longévité de l’installation. Bref, ce ne sont pas les raisons qui manquent pour contrôler avec le plus grand sérieux les conditions dans les sous-stations. »
Un système de monitoring
C’est dans ce contexte que Fluvius a lancé en 2018 un monitoring automatisé de la température et de l’humidité dans 55 sous-stations. Une initiative aussi belle que logique si l’on fait abstraction de ce piège récurrent dans lequel est tombé le gestionnaire de réseau, à savoir que les seuils de déclenchement des alarmes ont été définis trop simplement. « Résultat des courses : des anomalies parfaitement normales sont parfois considérées comme anormales par le système tandis que certaines anomalies anormales passent inaperçues. Toutes ces (fausses) alertes sont autant d’interférences qui brouillent le radar de notre service technique, avec pour conséquence que les investissements dans les capteurs et le monitoring manquent en grande partie leur cible », développe Thomas Appelmans.
Une solution venue de l'industrie
Dans sa quête de solution, Fluvius a lancé un ‘Hackathon’, sorte de concours auquel pouvait participer chaque partie ayant des idées innovantes. Une initiative qui allait s’avérer payante puisque le concept retenu émane d’un secteur sur lequel l’entreprise ne comptait guère. ‘Yanomaly’ est en effet un logiciel que Yazzoom développe depuis plusieurs années dans le but de détecter automatiquement des anomalies dans de grandes installations industrielles. « Le logiciel a été utilisé pour la première fois chez ENGIE Electrabel », informe Thomas Appelmans. « Cette entreprise l’utilise avec bonheur dans dix installations de cogénération pour assurer un monitoring rigoureux et une détection en temps voulu des anomalies dans les flux énergétiques entrants et sortants. La grande valeur ajoutée de cette solution réside dans le fait que la détection des anomalies est corrélée à l’intelligence artificielle (IA), ce qui permet d’interpréter correctement et très rapidement une grande quantité de données relativement simples. »
Un exercice intéressant
Une grande quantité de données relativement simples : le parallélisme avec la situation de Fluvius dans les sous-stations est frappant, et c’est ce qui a poussé ENGIE Laborelec à contacter Yazzoom afin de lui proposer d’examiner le potentiel de ‘Yanomaly’ en dehors des installations industrielles. « Nous n’avons pas hésité longtemps à travailler ensemble », explique Alexis Piron, Sales & Export Manager chez Yazzoom. « C’est avec plaisir que nous avons mis nos connaissances en matière de détection d’anomalies et d’intelligence artificielle en commun avec l’expertise de Laborelec dans le domaine des sous-stations. De toute façon, cela nous intéressait d’apprendre si ‘Yanomaly’ pouvait également apporter une valeur ajoutée dans d’autres secteurs. Le Hackathon a démontré que c’était bel et bien le cas, ce qui nous permet d’ouvrir un nouveau chapitre commercial. La problématique des fausses alertes et/ou d’une surabondance de données ne fera que s’amplifier dans un monde où l’IoT fera de plus en plus souvent la loi. Si cela s’avère d’ores et déjà le cas pour les installations électriques, et à présent pour les sous-stations, il apparait évident que cela s’applique par extension à tout l’univers des smart building. »
Travailler avec un cluster de référence
Créer de la valeur ajoutée à moindre coût, tel était l’objectif de la collaboration entre Yazzoom et ENGIE Laborelec. Les deux partenaires sont dès lors partis des données de monitoring déjà disponibles, à savoir la température et l’humidité. Établir une connexion avec une station météorologique externe pouvait donc avoir du sens, afin d’obtenir des données complémentaires utiles, mais le binôme n’a pas retenu cette option et a choisi délibérément de ne pas installer de capteurs supplémentaires. « Nous avons rendu les stations météorologiques superflues en combinant des données provenant de différentes sous-stations », explique Alexis Piron.
« Bien souvent, lorsqu’il y a une sous-station quelque part, il y en a une ou plusieurs autres dans les environs. Lorsque vous les regroupez en clusters, il est possible de définir une sorte de point de référence. En Belgique, dans un rayon proche, les conditions météorologiques ne varient en effet que très peu. Autrement dit, lorsque la température monte dans toutes les sous-stations d’un cluster, il est probable qu’il n’y ait pas de problème. Par contre, si elle n’augmente que dans une seule sous-station, le risque de problème sous-jacent est réel. »
L'IA nécessaire pour interpréter les anomalies
Lorsque l’on analyse l’historique des données, on se rend compte que les sous-stations sont souvent confrontées à des problèmes plutôt classiques. « Des capteurs qui rendent l’âme, dérivent ou saturent, des problèmes avec les systèmes de chauffage, etc. : ce sont toutes des anomalies que les opérateurs peuvent parfaitement détecter et résoudre manuellement. Elles pourraient même être internalisées pour le futur. La grande diversité de problèmes qui peuvent être rencontré et l’immense quantité de données générées sont les raisons pour lesquelles il n’est pas possible que le travail d’analyse soit effectué uniquement par des êtres humains. » « La détection des anomalies au moyen de l’intelligence artificielle est une solution efficace pour traiter cette problématique », ajoute Thomas Appelmans. « Appliquer l’IA aux gigantesques séries de données permet d’automatiser en grande partie l’interprétation des anomalies. Le système apprend alors en permanence, ce qui permet, après un certain temps, de déterminer avec une grande précision si une notification d’alarme est nécessaire ou non. Le facteur humain reviendra alors en jeu car c’est encore et toujours l’opérateur qui doit juger si une intervention est nécessaire et quand elle doit avoir lieu. Cette approche apporte une véritable valeur ajoutée car elle permet d’affiner la détection des anomalies, ce qui a bien évidemment une influence positive sur le nombre d’interventions et leur nature. »
De la prédiction à la solution
Un algorithme d’IA fait principalement du ‘condition monitoring’. Il connaît le fonctionnement ‘normal’ du système monitoré et détectera les anomalies à un stade précoce. « Cela indique qu’un problème va peut-être se produire », explique Alexis Piron. « Si le système n’a encore jamais été confronté à l’anomalie, il ne sera pas capable de nommer le problème. Des algorithmes d’IA tels que ‘Yanomaly’ vont encore un pas plus loin. Pour peu qu’il existe un historique de données à propos d’un certain type de panne ou de problème, ainsi que des causes qui l’ont provoqué, le modèle peut prédire avec exactitude quel type de problème est sur le point de se produire. Lorsque l’opérateur alimente l’algorithme d’IA avec des informations sur les interventions qui ont été exécutées, le modèle pourra par la suite non seulement prédire le problème, mais également proposer une solution à l’opérateur et même remédier lui-même à certains dysfonctionnements. »
Prêt pour de nouvelles applications
Bien qu’ayant accueilli avec grand enthousiasme la solution développée par Yazzoom et Laborelec, Fluvius n’a pas encore implémenté ‘Yanomaly’. « Cela s’explique en grande partie par les critères de sous-traitance que le gestionnaire de réseau est tenu de respecter », explique Alexis Piron. « Le Hackathon n’a toutefois pas été un coup dans l’eau pour nous. Au contraire, l’expérience Fluvius nous conforte dans l’idée que le champ d’application de ‘Yanomaly’ peut être extrêmement large. Dans le domaine de la gestion de bâtiment, surtout, le marché est ouvert. Là aussi, la quantité de données générées augmente à toute vitesse et l’importance d’une bonne interprétation des données est primordiale. Malheureusement, c’est précisément là que le bât blesse encore trop souvent. ‘Yanomaly’ ne devra plus guère évoluer pour pouvoir être utilisé dans des bâtiments. Notre solution de détection automatique des anomalies et de maintenance prédictive basée sur l’IA est prête à surprendre et à conquérir le monde de la gestion de bâtiment ! »