À retenir
- Collecter les données d’un bâtiment n’est pas un objectif en soi. Ce qui importe, c’est d’utiliser ces données pour lancer des actions susceptibles d’accroître l’efficacité et le confort du bâtiment, d’en faciliter la gestion, etc.
- Les données peuvent également être utilisées pour développer de nouveaux modèles économiques.
- En appliquant eux-mêmes des techniques innovantes, les entrepreneurs peuvent apprendre énormément. Ils peuvent en outre utiliser les résultats de cas pilotes afin de convaincre de futurs clients de faire tout ou partie de ce chemin avec eux.
Le mariage parfait entre circularité et technologie
‘Intelligent‘ est un adjectif qui convientparticulièrement bien à Kamp C, de Westerlo. Ce centre provincial dédié à la construction et à l’habitat durables s’était déjà distingué par des projets innovants et durables. Il fait aujourd’hui à nouveau parler de lui avec la construction d’un complexe de bureaux où la notion de circularité reçoit une interprétation innovante et où le rôle prépondérant de la technologie est mis en exergue, au même titre que la gestion intelligente des matériaux et les concepts de construction.
‘t Centrum est le fruit de l’imagination et des cogitations de sept entreprises qui se sont réunies en consortium. Objectif : appréhender le ‘complexe de bureaux de demain’ sous un jour nouveau. « Le bâtiment doit devenir le fer de lance de la construction circulaire, en Flandre et ailleurs », déclare Joeri Beneens, le gérant de Beneens Bouw & Interieur (l’un des initiateurs et l’entrepreneur principal du projet). « ‘t Centrum est une réalisation révolutionnaire en ce sens qu’elle appréhende la notion de circularité à travers un spectre beaucoup plus large que ce à quoi nous sommes habitués. La circularité ne concerne en effet pas que l’utilisation des matériaux, mais constitue ici le fil rouge du projet dans son intégralité, de la conception jusqu’au fonctionnement opérationnel du bureau en passant par l’adjudication, le modèle économique et le financement. ‘t Centrum est appelé à devenir un bâtiment neutre en énergie, avec des meubles de bureau modulaires et des postes de travail transformables. Ce qui est intéressant, c’est que le bâtiment peut évoluer littéralement au gré de ses besoins futurs. La conception, les matériaux et les connexions sont conçus pour permettre l’expansion/contraction de la superficie. Mieux même, ce complexe de bureaux est constitué d’une structure de base en bois, assemblé d’une manière telle qu’il peut être démonté complètement sans causer de dommages structurels, puis reconstruit facilement et rapidement à un autre endroit. »
Mesurer, c'est savoir
Il va sans dire que la gestion de l’énergie est une préoccupation majeure dans un bâtiment aussi évolutif. Et c’est précisément cet aspect- là qui a conduit à la décision de faire de ‘t Centrum un complexe de bureaux ‘intelligent’. « Beaucoup de bâtiments se présentent comme ayant une consommation énergétique nulle alors qu’ils sont loin d’atteindre les objectifs », estime Annemieke Kinoo, business development director & partner chez Calculus. « Les prévisions théoriques ne concordent pour ainsi dire jamais avec les prestations effectives du bâtiment. On ne mesure pas assez de paramètres. Et quand des données de ce genre sont disponibles, elles ne sont pas assez utilisées pour contrôler et optimiser le fonctionnement de base du bâtiment. Ce constat vaut non seulement pour la consommation d’énergie, mais également pour la consommation d’eau sanitaire.
Lorsque Joeri m’a parlé de ce projet, j’ai tout de suite compris que l’intégration de la ‘technologie intelligente’ constituerait un atout considérable. Mesurer permet de contrôler et de mettre en oeuvre des ajustements ciblés. Nous avons vu dans ‘t Centrum une occasion idéale de faire évoluer notre plateforme de gestion vers le ‘bâtiment intelligent’.
Une source d'informations pour des améliorations
Le consortium était intéressé par cette composante technologique supplémentaire, notamment parce que de nouveaux concepts commerciaux seraient également testés au sein de ‘t Centrum. « Nous avons par exemple l’intention de louer l’éclairage ‘as a service’ », précise Joeri Beneens. « Il existe par ailleurs une formule ESCO qui prévoit que les installations HVAC soient entretenues pendant vingt ans par les fournisseurs. C’est pourquoi un suivi réfléchi de la consommation d’énergie et d’eau, ainsi que du fonctionnement des installations, est indispensable. Les données ainsi collectées permettent à chaque partie de faire un pas en avant. Le maître d’ouvrage peut vérifier si les objectifs de prestations qui ont été consignés dans le contrat ‘as a service’ sont effectivement atteints. Et le responsable de l’installation peut garantir que la solution fonctionne, ce qui est important pour optimiser la gestion – et la rentabilité. » Annemieke Kinoo : « Les données sont une énorme source d’informations qui permettent d’apporter des améliorations qui n’auraient pas été imaginées autrement. Il suffit de penser au chauffage et à la climatisation en fonction du nombre de visiteurs ou du comportement des locataires. Ou l’arrêt du système de chauffage, de ventilation et de climatisation s’il n’y a pas de demande de chauffage ou de refroidissement. En outre, les données nous permettent d’introduire des modèles commerciaux innovants, tels qu’un bâtiment dont la maintenance et les services publics sont fournis ‘en tant que service’. »
Un champ infini de possibilités
Calculus est une plateforme de services qui est utilisée depuis des années pour gérer la consommation d’eau et d’énergie lors de grands festivals et autres événements. « Assez rapidement, nous avons procédé à une montée en puissance des processus commerciaux et des actifs », précise Annemieke Kinoo. « Comme nous rendons tout plus transparent et contrôlable, il devient possible d’optimiser les processus facilement. Cela se traduit bien sûr par des gains de temps et des gains financiers. Notre plateforme peut être utilisée pour diverses applications, telles que la surveillance des équipements et des parcs de machines, la régulation du climat dans les usines et les immeubles de bureaux… Le ciel est la limite, car la gestion intelligente du personnel ou la maintenance prédictive font également partie des possibilités. Après tout, toutes les informations peuvent très facilement être partagées avec des tiers. »
Digitalisation: en avant toute !
Grâce à l’intégration de quantité de capteurs, les données du processus sont collectées et analysées. Un tableau de bord convivial montre la situation actuelle, ce qui permet un diagnostic et un ajustement rapides. « Nous avons également fait en sorte que les données soient exploitables via un système d’alertes et de tickets », explique Annemieke Kinoo. « En cas de dysfonctionnement, la solution prévient immédiatement l’interlocuteur ad hoc – il peut s’agir du technicien de maintenance, du gestionnaire des installations ou d’une autre personne –, ce qui permet de prendre des mesures immédiates. En conservant les données dans un journal numérique, il sera possible de mettre en place un ‘passeport de maintenance’ pour chaque bâtiment, voire pour chaque élément de bâtiment. Le fournisseur de services pourra ainsi calculer le temps qui a été consacré à chaque entretien, la fréquence des interventions et l’évolution de la situation tout au long de la vie du bâtiment et de l’installation. Il est également parfaitement possible de vérifier exactement quelles actions ont été effectuées lors des activités de maintenance précédentes. » Joeri Beneens poursuit : « Le projet est entièrement numérisé en BIM. Tous les éléments HVAC ont été documentés de manière détaillée dans le modèle. L’application du modèle BIM ne se limite pas au dossier d’intervention ultérieure. Il sera également utilisé pendant la durée de vie du bâtiment et tenu à jour. En le reliant aux données collectées sur la plateforme Calculus, les techniciens de maintenance recevront non seulement un ordre d’intervention, mais ils sauront immédiatement où se rendre. Ils peuvent même demander des modes d’emploi, des plans et des informations historiques à propos de l’entretien sur l’élément ou l’installation HVAC. »
Dimensions réduites
Un choix important, et même précurseur, a consisté à ne pas faire reposer le pilotage uniquement sur des paramètres environnementaux, tels que la température ou l’humidité de l’air. Le système de gestion tiendra en effet également compte de l’occupation des locaux et des habitudes des utilisateurs. Les dimensions des systèmes HVAC pourront ainsi être réduites sans que le confort n’en soit affecté. « Sur ce plan-là, les entreprises jouent souvent la carte de la sécurité et se dotent par conséquent de systèmes surdimensionnés », assure Joeri Beneens. « Résultat des courses : les installations ne fonctionnent pour ainsi dire jamais au maximum de leurs capacités, ce qui nuit à leur efficacité. En ce qui concerne ‘t Centrum, nous avons pu réduire les dimensions des installations grâce à un concept sur mesure et à l’utilisation de matériaux qui maintiennent une température intérieure constante. Nous avons utilisé du bois lamellé croisé (CLT) ainsi que plusieurs types d’isolant – de la cellulose, de la laine de roche, mais également du sable/plâtre et des coquillages – et même – une première ! – du vitrage fabriqué sous vide. Bien entendu, il faudra chauffer ou refroidir régulièrement, et ce, en utilisant la chaleur et le froid d’un champ BTES (stockage géothermique par puits de forage). Mais en fin de compte, c’est Calculus qui assurera une température idéale en contrôlant rigoureusement tous les paramètres et en intervenant si nécessaire. »
De nouvelles économies d'eau et d'énergie
Afin de garantir sa neutralité énergétique, ‘t Centrum tentera même l’expérience de désactiver complètement ses systèmes en l’absence de demande de chaleur ou de froid. « Une telle expérience est possible car Calculus calcule automatiquement la température nécessaire et pilotera les systèmes en conséquence », développe Annemieke Kinoo. « Nous avons effectué des simulations qui révèlent que nous pouvons encore réaliser de plus grandes économies d’énergie en éliminant la consommation de veille. En chiffres effectifs, nous parlons de 48 MWh/an au lieu de 60 MWh/an pour le chauffage. Notre consommation de gaz est nulle étant donné que nous travaillons avec un champ BTES. Au final, nos besoins énergétiques primaires et nos émissions de CO2 sont inférieurs de respectivement
71 % et 83 % à ceux d’un immeuble de bureaux traditionnel chauffé avec des énergies fossiles. Outre ces économies d’énergie, nous avons également réduit considérablement nos besoins en eau grâce à notre plateforme, qui surveille et garde sous contrôle notre consommation en la matière. Les eaux usées (eaux grises) sont purifiées au-dessus du mur végétalisé, avant d’être réutilisées. En outre, nous disposons d’un vaste réservoir d’eau de pluie. Utiliser l’eau de distribution est par conséquent la dernière des options pour nous, ce qui signifie que notre consommation d’eau s’inscrit au maximum dans la circularité. »
Circularité dans les installations techniques
Le concept de circularité est également appliqué à la conception des systèmes techniques eux-mêmes. Par exemple, le câblage utilisé pour la communication et le contrôle des installations est aussi réduit que possible. Au lieu de cela, les capteurs et les actionneurs communiquent sans fil via un réseau LoRa privé. Cela présente l’avantage supplémentaire que l’installation est facilement adaptable et évolutive. « Dès le départ, nous voulions une solution qui puisse s’adapter à la taille de l’application », explique Annemieke Kinoo. « C’est pourquoi le système peut évoluer en même temps que le complexe de bureaux et peut même être facilement déplacé si l’occasion se présente. »
Concrètement, une passerelle ‘CO7’ sera installée dans le local technique de ‘t Centrum. Celui-ci est branché sur le réseau électrique et construit un réseau LoRa privé par lequel peuvent communiquer les capteurs des installations HVAC, les vannes de régulation des faisceaux de refroidissement, les groupes d’air, etc. Annemieke Kinoo : « Le seul point d’inquiétude est, bien sûr, que les capteurs qui ne peuvent pas être alimentés par les installations techniques elles-mêmes fonctionnent sur la base de batteries. Un certain nombre d’entre eux devront être remplacés au bout d’un ou deux ans, car nous effectuerons une surveillance assez intensive au début. Toutefois, l’intention est de réduire systématiquement la fréquence de saisie des données, afin que les batteries durent cinq ans et plus à l’avenir. »
L’innovation, ça fonctionne !
Alors que la réception des travaux n’est pas pour tout de suite (prévue en fin février 2022), le projet suscite déjà un vif intérêt (et attire de nombreux visiteurs). Joeri Beneens y voit la preuve que le marché se rend compte que l’union entre la construction et l’innovation est un mariage d’amour. « C’est le troisième projet d’avant-garde à Kamp C auquel nous collaborons. Après un complexe de bureaux en ballots de paille, nous avons relevé le défi d’imprimer en 3D une maison en béton. Aujourd’hui, nous tentons le pari d’un bâtiment circulaire entièrement démontable, qui est tout à fait en phase avec son temps sur le plan technologique. C’est toujours un saut dans l’inconnu étant donné le caractère expérimental de ce que nous entreprenons, mais les deux projets précédents ont été autant de succès.
Nous apprenons énormément et pouvons partager notre expérience avec d’autres personnes intéressées. ‘t Centrum est un nouvel exemple de projet pilote très intéressant, dans lequel nous sommes heureux de nous impliquer en tant qu’entrepreneur. En plus de collecter un grand nombre d’informations, nous ferons la démonstration que les techniques innovantes utilisées apportent bel et bien une plus-value. Ce qui nous aidera sans aucun doute à convaincre beaucoup de clients d’accomplir la totalité ou une partie de ce trajet avec nous. »