À retenir
- Le principe de base du SRI (‘Smart Readiness Indicator’) est triple : optimisation de l’efficacité énergétique, aptitude du bâtiment à répondre aux besoins des utilisateurs et capacité à réagir aux signaux émanant du réseau.
- Le catalogue de services intelligents qui a servi de base à l’élaboration du SRI est une base intéressante pour identifier les interventions susceptibles d’augmenter le degré d’intelligence d’un immeuble. Ce catalogue ne constitue toutefois pas une solution globale : le ‘Smart Facility Management’ n’est par exemple pas valorisée par le SRI.
- Il est possible d’évoluer pas à pas vers un bâtiment plus intelligent. Il n’est donc pas nécessaire d’intégrer en une seule opération l’ensemble des services souhaités, mais il est important de veiller à ce que les choix effectués aujourd’hui s’inscrivent dans une stratégie plus large et orientée vers le futur.
Le catalogue SRI: une checklist intéressante
Si vous voulez rendre un bâtiment ‘intelligent’, il est préférable de prendre cette décision dès la phase de conception du projet de construction ou de rénovation. S’il est trop tard, pas de panique toutefois : vous pourrez intégrer la technologie progressivement lors des étapes ultérieures. Cette approche requiert cependant un inventaire précis des possibilités et un choix conscient des thèmes prioritaires. Le catalogue de services intelligents de l’indicateur SRI (‘Smart Readiness Indicator’) peut constituer un outil intéressant pour réaliser cela, bien qu’il ne s’agisse pas de son objectif initial. C’est en tout cas l’une des conclusions d’une analyse qui a été effectuée au sein du bâtiment Galilée à Bruxelles.
Sous l’impulsion de l’ex-ministre fédérale de la Santé publique Maggie De Block, un trajet a été dessiné afin d’améliorer la collaboration entre les différentes administrations du secteur des soins de santé. C’est dans le cadre de ce trajet qu’il a été décidé de fusionner le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, l’Institut national d’assurance maladie- invalidité (INAMI) et l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS). « Un véritable plan stratégique a été élaboré, dont la première étape consistait à trouver un bâtiment approprié », déclare Koen Mees, le CEO de Freestone, un prestataire de services avec une expertise en matière d’immobilier, de construction, de PropTech et de ‘facility management’, qui a accompagné ce trajet. « C’est finalement le bâtiment Galilée qui a été retenu. Construit en 1969 par la BAC (une banque que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Belfius), cet immeuble avait déjà été rénové en profondeur en 2001, mais avait encore besoin d’un sérieux rafraîchissement pour pouvoir héberger les trois administrations. »
L'importance de l'intelligence dans l'optimisation des activités
Rassembler trois administrations en un même lieu n’est pas qu’une simple histoire de déménagement, mais nécessite des opérations d’intégration et d’optimisation. « De nombreux services d’assistance étaient assurés par trois équipes spécifiques et distinctes », explique Koen Mees. « Suite à l’intégration, toutes ces activités devaient être confiées à une seule équipe. Il s’agit notamment des tâches de ‘facility management’, telles que l’entretien, le nettoyage, les systèmes de réservation, la réception, … Cet exercice permet d’examiner et d’adapter simultanément ces différentes activités. Dans ce cas, il a fallu également vérifier quelles tâches devaient être traitées en interne et lesquelles pouvaient être sous-traitées à des prestataires externes. Nous avons également examiné comment optimiser l’utilisation de l’espace au moyen de postes de travail flexibles. Cette réflexion nous a amené à nous demander comment nous pourrions créer un maximum de confort, et c’est ainsi que nous avons fini par comprendre que le bâtiment nécessitait un certain niveau d’intelligence. Le complexe de bureaux de demain aura en effet recours à des ‘integrated workplace management solutions’ (IWMS). Le scénario idéal prévoit qu’une telle approche soit alimentée par des données provenant aussi bien des utilisateurs que du bâtiment, ce qui sera aussi le cas du bâtiment Galilée. »
Une analyse nécessaire
Ce n’est toutefois que lorsque les travaux de remise en état battaient déjà leur plein que la direction a décidé d’exploiter le potentiel des ‘smart buildings’. « Ce n’est évidemment pas la phase la plus adéquate pour penser à ajouter de l’intelligence. L’idéal serait de le faire dès le début d’un projet », souligne Koen Mees. « Ce n’est pas du temps perdu pour autant. Au contraire, la pratique nous a enseigné qu’il y a beaucoup de choses qui peuvent encore être améliorées facilement dans ce genre de projet. Des investissements supplémentaires minimes peuvent notamment générer des plus-values importantes, à condition toutefois de bien cerner les possibilités et d’identifier les points d’amélioration. C’est pourquoi nous collaborons depuis de nombreuses années avec Ingenium, un bureau d’études spécialisé, entre autres, dans les audits de bâtiments et d’installations. La complexité et la technicité des solutions augmentent si rapidement qu’il est nécessaire de s’entourer de bons partenaires si vous voulez que votre PME puisse continuer à se concentrer sur son core business. »
Un outil pratique nommé SRI
L’audit d’Ingenium portait aussi bien sur le bâtiment et les installations techniques que sur l’utilisateur. « À notre époque, il est logique que le bâtiment s’adapte aux attentes spécifiques de chaque utilisateur en matière de confort », explique Wim Boone, ingénieur et business development director chez Ingenium. « Le principe ‘one size fits all’ appartient définitivement au passé. Les systèmes de chauffage, de refroidissement, d’éclairage, … doivent pouvoir être personnalisés jusqu’à un certain point, mais cette personnalisation doit aller de pair avec un haut degré d’efficacité énergétique et être compatible avec la législation stricte appliquée par Bruxelles. L’ambition de la direction à faire évoluer le bâtiment vers un « smart building » peut contribuer de manière signicative à répondre aux besoins. Il faut cependant savoir qu’il n’existe pas de définition globale de la notion de ‘smart building’. Tout dépend des besoins, du budget, du type de bâtiment, … Il en résulte que construire un ‘smart building’ n’est pas une mince affaire, d’autant plus qu’aucune checklist susceptible de s’appliquer à toutes les situations n’est disponible. Heureusement, il existe un outil tel que le SRI. Le catalogue de services intelligents qui a servi de base à l’élaboration de cet indicateur constitue à nos yeux une source d’inspiration intéressante pour identifier les interventions susceptibles d’augmenter le degré d’intelligence d’un immeuble. »
Trois domaines prioritaires
Le SRI est un concept qui a été introduit dans le cadre de la directive sur la performance énergétique des bâtiments (PEB). Il a été développé à la demande de la Commission européenne par un consortium placé sous la direction du VITO, un institut de recherche belge. « C’est un outil qui permet, d’une part de révéler le (manque de) potentiel d’intelligence d’un bâtiment et, d’autre part, de stimuler l’innovation sur le marché », explique Wim Boone. « Le principe de base du SRI est triple : optimisation de l’efficacité énergétique, aptitude du bâtiment à répondre aux besoins des utilisateurs et capacité à réagir aux signaux émanant du réseau. Le SRI colle ainsi de près aux domaines prioritaires que l’on associe aux ‘smart buildings’ : ‘comfort & convenience’ (soit la possibilité de répondre aux besoins de l’utilisateur), ‘energy efficiency performance & operations’ (c’est-à-dire la gestion et l’utilisation intelligentes de l’énergie et des moyens) et, enfin, ‘energy flexibility’ (à savoir la capacité à piloter la demande en énergie et à constituer des réserves d’énergie).
Ce dernier volet est capital pour le futur. Les bureaux de demain ne peuvent en effet plus être appréhendés comme des entités distinctes. Dans la ville du futur, les bâtiments produiront eux-mêmes leur énergie, se l’échangeront entre eux, et répartiront de la manière la plus efficace possible l’énergie provenant d’autres sources, comme les réseaux de chaleur. »
Comment ça marche, le SRI?
Le SRI repose sur une méthode qui attribue un score de fonctionnalité à des services dans neuf domaines, dont le chauffage, le refroidissement et l’éclairage. Sur la base des niveaux de fonctionnalité obtenus, une matrice ‘impact – domaine’ peut être élaborée pour sept critères d’impact différents (efficacité énergétique, confort, flexibilité énergétique, etc.). « L’intérêt de cette matrice réside dans sa capacité à montrer de façon simple dans quelle mesure un niveau plus élevé de fonctionnalité (intelligente) peut être atteint pour chacun des services », explique Wim Boone. « Prenons un exemple : plutôt que de chauffer tout un immeuble de 7 à 17 h, il est possible de ne chauffer que les espaces où travailleront réellement les gens, et ce, en mettant en place un système de détection des présences ou en consultant leur calendrier. La matrice ‘impact – domaine’ élabore alors une liste de base qui reprend les possibilités d’amélioration. Les data jouent ici un rôle central : comment les données issues des installations, utilisateurs, réseaux externes, … peuvent-elles être utilisées pour rendre l’environnement de travail plus sain, plus sûr et plus confortable ? »
Une multitude de possibilités
Dans le cas de Galilée, Ingenium s’est inspiré du catalogue de services de la méthode SRI pour identifier les améliorations potentielles du bâtiment. Cette analyse a clairement révélé qu’il y avait beaucoup de choses qui pouvaient être améliorées sans trop d’investissements. Cela a permis de cibler les choix pour augmenter le niveau d’intelligence du bâtiment avec un budget limité. « Nous nous sommes attelés à chiffrer le retour sur investissement de chacun de ces choix », énonce Wim Boone. « Ce n’est pas très difficile pour des interventions destinées à réaliser des économies d’énergie, mais c’est une tout autre paire de manches lorsqu’il s’agit d’améliorer le confort, qui est un aspect beaucoup plus difficile à chiffrer. » « Il faut alors convaincre le maître d’ouvrage en énumérant des avantages concrets », embraie Koen Mees. « Et il y en a un certain nombre : productivité accrue, moins d’absentéisme pour cause de maladie, plus de créativité, etc. » Le plan d’action élaboré par Ingenium établissait une distinction claire entre investissements à court terme et investissements à long terme. « Rendre un bâtiment ‘smart’ est en effet un processus qui peut se dérouler étape par étape », indique Wim Boone. « L’analyse que nous avons effectuée sur la base du catalogue de services de la méthode SRI pour le bâtiment Galilée démontre que beaucoup de points peuvent être améliorés sans qu’il ne faille dépenser des sommes folles. L’instauration d’un système de gestion énergétique prévisionnelle constitue un bel exemple. Aujourd’hui, les stores sont pilotés au départ d’une station météorologique. En utilisant des données provenant d’autres sources – comme des prévisions météorologiques, la présence réelle ou prévue d’utilisateurs, … –, il est possible d’atteindre un bien meilleur résultat. Prenons l’exemple d’une canicule que l’on anticiperait en baissant les stores dans les locaux non utilisés et en activant la ventilation nocturne deux jours à l’avance. Avec une telle approche, la température intérieure serait moins élevée au début de la vague de chaleur, ce qui permettrait de limiter la consommation d’énergie liée au fonctionnement du système de refroidissement. »
D'autres améliorations sont encore possibles
Ingenium a également examiné des propositions plus radicales. « Aujourd’hui, le bâtiment est encore chauffé au moyen d’anciennes chaudières et les installations de refroidissement ont un certain âge aussi. Ces fonctions-là pourraient être assurées avec une consommation d’énergie bien moindre si l’on utilisait un système de cogénération ou – mieux encore – que l’on employait une pompe à chaleur et que l’on récupérait l’eau glacée. Nous avons encore proposé d’autres améliorations, comme l’ajout d’un système de condensation pour les fumées de combustions et des bornes de recharge pour véhicules électriques. Pour le reste, nous recommandons vivement les investissements suivants : ‘demand side management’ (maîtrise de la demande en énergie) , système de contrôle et de pilotage de la qualité de l’air, stockage de l’énergie produite par les panneaux photovoltaïques, interconnexion de tous les ‘silos’ par un système unique de gestion de l’énergie, … Toutes ces techniques-là concourent à un même objectif : rendre le bâtiment et sa gestion plus intelligents. »
Un projet pilote prévoyant des capteurs supplémentaires
L’analyse a attiré l’attention de la direction sur Ingenium et Freestone. Pour des raisons budgétaires, les investissements seront toutefois réalisés progressivement. « La volonté de rendre le bâtiment intelligent est toutefois grande, comme l’illustre un cas d’essai récent où un certain nombre d’espaces de bureaux ont été dotés de capteurs supplémentaires », déclare Koen Mees. « L’objectif est d’étudier comment le taux d’occupation peut être connecté à des systèmes de climatisation et de nettoyage intelligents. Dans un premier temps, la collecte et l’interprétation des données jouent un rôle central. Combien de fois les salles de réunion qui avaient été réservées ontelles été effectivement utilisées ? Y a-t-il eu une augmentation de la concentration de CO2 et/ou quand les valeurs maximales ont-elles été dépassées ? La température souhaitée a-t-elle été atteinte au moment où les visiteurs étaient présents ? Ce sont toutes des questions auxquelles nous voulons obtenir une réponse en analysant les données. Nous voulons ainsi démontrer que cette intelligence supplémentaire recèle bel et bien une valeur ajoutée et permet, par exemple, de mettre en place un système prédictif pour la climatisation d’une pièce. »
Intégrer le SRI dans la règlementation PEB?
Les plans en préparation pour le bâtiment Galilée montrent qu’il est possible d’identifier les opportunités d’amélioration et de rendre ainsi le complexe de bureaux plus intelligent. Ils démontrent en outre qu’une transformation progressive vers un bâtiment plus intelligent est tout à fait possible. L’utilité du SRI est également mise en évidence dans ce cas. « Mais je tiens à souligner que nous n’avons pas utilisé le SRI comme une fin en soi », précise Wim Boone. « Dans un cas tel que le bâtiment Galilée, cela n’a en effet pas beaucoup de sens de chercher à atteindre le score SRI maximal. Nous attendons beaucoup du concept de SRI, à tel point que nous considérons qu’il aurait sa place dans la réglementation PEB. Les bâtiments de demain ne doivent pas seulement prendre en compte la performance énergétique, mais aussi la manière dont un bâtiment assure le confort de ses utilisateurs, comment il utilise les réseaux intelligents et comment il interagit avec les autres infrastructures. » « Les éléments du SRI sont en effet des composants de base importants d’un bâtiment intelligent, mais nous devons oser regarder plus loin », affirme Koen Mees. « Le ‘Smart Facility Management’ – telle que la maintenance prédictive – n’est par exemple pas valorisée dans le concept de SRI, alors qu’elle recèle également un grand potentiel. »
Besoin d'une législation stricte
Reste à savoir, bien sûr, si le bâtiment Galilée va devenir un bâtiment intelligent au sens propre du terme. « Telle est en tout cas la volonté de la direction », précise Koen Mees. « Dans cette optique, l’ambition européenne d’atteindre la neutralité carbone en 2050 constitue un moteur important. » « Une législation stricte est absolument nécessaire et sera un moteur important pour investir dans l’intelligence », poursuit Wim Boone. « Il est important d’appréhender les choses dans leur ensemble et de ne pas perdre de vue qu’il y a des obstacles techniques et budgétaires, en particulier dans le cas de travaux de rénovation. Le résultat est que l’on travaille généralement à une optimisation des ‘silos’ : HVAC, éclairage… Or, il faut savoir que le principal avantage en matière de finances et de durabilité réside dans un système interconnecté, qui permet à toutes les installations de communiquer entre elles. Ce n’est qu’ainsi que vous parvenez véritablement à obtenir de grandes quantités de données – et les informations qui en découlent – pour traiter de manière innovante la question de la durabilité, atteindre une efficacité optimale et créer un environnement de bureaux faisant la part belle au confort. »