À retenir
- L’Agence MDK utilise un réseau de capteurs de déformation à fibre optique afin de détecter à un stade précoce l’érosion sous la plaque de béton du talus à Nieuport.
- La déformation d’une surface de 280 x 18 mètres est mesurée au moyen de 140 capteurs FBG fixés sur un géotextile sous la plaque de béton.
- Au cours des dernières années, un solide historique de mesures a été constitué permettant de déduire l’influence de la température et des marées. Des anomalies peuvent révéler des problèmes locaux et donner lieu à des inspections et des mesures ciblées.
- Cette approche permet d’intervenir de manière préventive et ciblée avant que des dommages sérieux ne se produisent. Elle permet en outre de réduire les coûts des inspections et de l’entretien.
Des mesures qui ouvrent de nouvelles perspectives uniques
Dans les chenaux portuaires et les ports de plaisance, le périmètre aquatique est délimité par des talus et des berges. Ceux-ci sont exposés aux vagues et aux marées, ce qui occasionne parfois des dommages sous la plaque de recouvrement en béton qui ne sont pas directement visibles. L’Agence des services maritimes et de la côte (MDK) de l’Autorité flamande a décidé d’expérimenter une technique innovante afin de détecter à temps ce genre de dommages. Cette nouvelle technique a été mise en œuvre lors des travaux de rénovation du talus longeant la presqu’île de Kromme Hoek à Nieuport, notamment en équipant le géotextile de capteurs à fibre optique.
L’Agence MDK de l’Autorité flamande est chargée, entre autres, de la bonne gestion des côtes. Cela signifie qu’elle veille au maintien en état et à l’entretien de l’infrastructure existante, des digues aux berges et talus en passant par les écluses, les barrages et les murs de soutènement. Les talus dans les ports devant résister au mouvement de la marée sont généralement constitués d’un géotextile, d’un massif perméable (des gravats, la plupart du temps) et d’une épaisse plaque de béton. Cette technique de construction s’est certes érigée en modèle d’efficacité depuis plusieurs décennies, mais elle n’en possède pas moins un talon d’Achille.
« Sous l’influence des marées, le niveau de l’eau varie également côté terre du talus », explique Isabelle D’hooghe, ingénieure de projet au sein de l’Agence MDK. « Cela peut provoquer de l’érosion et, par conséquence, la formation de cavités sous les plaques de béton. Le talus risque alors de s’affaisser. Souvent, on ne remarque ces cavités que lorsqu’il est trop tard, c’est-à-dire au moment où la plaque de béton se fissure. »
Un intérêt pour le monitoring
Bien entendu, l’Agence MDK effectue des contrôles visuels réguliers des talus. Mais lorsqu’elle constate que la plaque de béton est endommagée, le mal est déjà fait. Afin d’éviter les problèmes, il est nécessaire de savoir ce qui se passe sous la plaque en béton. Il y a quelque temps, l’Agence est entrée en contact avec Com&Sens, une spin-off de l’université de Gand (UGent) spécialisée dans le condition based health monitoring de constructions en béton, acier et composite au moyen de capteurs à fibre optique. Intriguée par les possibilités qu’offre cette solution, elle a décidé d’inclure dans l’appel d’offres relatif à la rénovation du talus de Kromme Hoek à Nieuport une section relative au monitoring au moyen de capteurs à fibre optique.
Un sacré défi
Finalement, il est apparu que c’est Com&Sens qui présentait le meilleur profil pour réaliser cette mission. « Nous travaillons avec des capteurs à fibre optique Fiber Bragg Grating (FBG), des capteurs très petits et extrêmement sensibles que l’on insère dans une fibre de verre », explique Geert Luyckx, associate manager chez Com&Sens. « Au fil des ans, nous avons utilisé cette solution avec succès afin de monitorer le comportement des infrastructures les plus diverses. Il n’empêche que le défi proposé par le chenal de navigation de Nieuport n’était pas mince. Il nous a semblé logique de mesurer la déformation du géotextile. S’il y a des cavités, les gravats exerceront en effet une pression sur le géotextile, qui va par conséquent s’affaisser. Notre première intention était d’intégrer les capteurs à fibre optique dans le géotextile, mais le processus de production nécessitait des formats plus petits, avec un diamètre de 80 plutôt que de 125 µm. Ces modèles-là étaient encore plus sensibles aux dommages, et par conséquent incompatibles avec une application où les gravats entrent directement en contact avec les capteurs à fibre optique. C’est pourquoi nous avons imaginé une autre solution où les capteurs ont été fixés sur un support distinct, au bas du géotextile. »
Des points de mesure et un budget en équilibre
Com&Sens a installé un réseau de capteurs optimisé et a équipé de capteurs à fibre optique un tiers des bandes du géotextile. « Nous avons ainsi pu placer 140 capteurs FBG sur une surface de 280 x 18 mètres et les avons tous reliés à la cabine de mesure », détaille Geert Luyckx. « Afin d’identifier le schéma des marées, nous adoptons une fréquence d’une mesure toutes les vingt minutes. Le monitoring a débuté fin 2017 et ces données ont une première fois été étudiées dans le détail fin 2021. Les premières années, il a fallu constituer un solide historique permettant de déduire clairement l’influence de la température et des saisons. »
Le monitoring pour apprendre
Entretemps, Com&Sens a développé un cadre de référence sur la base des données captées. Objectif : permettre à l’Agence MDK de lire régulièrement les nouvelles données afin de vérifier si des anomalies surviennent. La fréquence de mesurage sera adaptée au gré des observations. Les capteurs à fibre optique sont du reste extrêmement sensibles et peuvent détecter des déformations d’1 microstrain, c’est-à-dire d’1 micromètre par mètre. « Les premiers résultats montrent qu’aucune cavité ou presque ne s’est pour l’heure formée et que les nouveaux blocs de digue se comportent conformément aux calculs. C’est un grand soulagement. Nous espérons que les prochaines années apporteront un meilleur éclairage sur les phénomènes ayant lieu ici, afin que l’Agence puisse entreprendre des actions plus ciblées, qui permettront de garantir l’intégrité de tous les talus. »
Une nouvelle application spectaculaire
En avril 2022, l’Agence MDK a placé pour la première fois dans l’histoire de notre pays, le seuil en béton du barrage antitempête dans le chenal portuaire de Nieuport. « Ce barrage permettra d’éviter que les terres se retrouvent inondées », explique Isabelle D’hooghe. « Son corps en acier est ancré dans le sol dans un seuil en béton, une gigantesque construction de 23,5 x 42,1 x 5 mètres qui repose aux extrémités sur deux culées en béton. Le seuil a été construit d’une manière telle que nos techniciens peuvent y pénétrer afin de contrôler l’infrastructure et les canalisations. »
Une même technique pour un objectif différent
Forte de son expérience avec le talus de Kromme Hoek, l’Agence MDK a pensé immédiatement aux possibilités qu’offre le monitoring. Les dommages côté extérieur du seuil sont difficiles à détecter visuellement. Les capteurs à fibre optique constituent un moyen simple d’y voir plus clair à cet égard. Les capteurs ont été fixés à l’armature sur chantier avant d’être intégrés ensemble dans le seuil en béton. « Pendant la prise du béton, les fibres de verre subissent de fortes pressions », indique Geert Luyckx. « C’est pourquoi nous avons opté ici pour un modèle qui a été développé avec une fibre de verre protectrice. La grande différence avec le talus de Kromme Hoek, par ailleurs, c’est que nous mettons l’accent sur un monitoring quantitatif plutôt que qualitatif. Autrement dit, alors que notre objectif, avec le talus de Kromme Hoek, consistait en une analyse tendancielle, nous utiliserons dans ce cas-ci les données afin de comparer les déformations de la construction aux calculs théoriques. Franchir le pas du monitoring est incontestablement un choix courageux de la part de l’Agence MDK. J’irais même jusqu’à dire que l’agence joue un rôle de pionnier dans l’adoption de technologies innovantes permettant de maximiser la durée de vie de l’infrastructure et de limiter les coûts des réparations. »
De plus amples informations concernant le monitoring sur base de la technique de la fibre optique peuvent être trouvées sur www.ovmonitoring.be